L'Etat continue de faire le ménage dans son patrimoine immobilier !
Entre 2012 et 2014, 1.870 biens seront mis sur le marché, dont l'Etat attend 2,2 milliards d'euros!
Ya-t -il un pilote aux commandes de la politique immobilière de l'Etat ? « Depuis la période précédant l'élection présidentielle et jusqu'à aujourd'hui, tout semble fonctionner au ralenti, sans réelle impulsion politique », affirme un conseiller Century 21, spécialiste du secteur.
Jérôme Cahuzac, le ministre délégué en charge du Budget, donc de l'immobilier de l'Etat, n'a pas encore pris ce dossier en main, ni imprimé sa marque comme l'avaient fait ses prédécesseurs à ce poste, notamment François Barouin et Valérie Pécresse.
Trois faits notables ont pourtant marqué cette période de flottement. Une vente a tourné court : le 22 octobre dernier, l'Hôtel de Clermont, situé 69 rue de Varennes dans le 7 e arrondissement de Paris, en vente depuis le début de l'année, a été retiré du marché. Quelques jours plutôt, on apprenait que Daniel Dubost, le patron de France Domaine - structure au sein du ministère du Budget, chargée de valoriser et de céder le patrimoine public - s'apprêtait à quitter ses fonctions après avoir dirigé cette agence depuis sa création en 2007, victime directe ou colatérale de la « mauvaise » liste des terrains de l'Etat communiquée début septembre au cabinet du ministre du Logement. Enfin, le 12 septembre dernier, Jean-Louis Dumont, député socialiste de la Meuse, était nommé président du Conseil immobilier de l'Etat (CIE), succédant à Yves Deniaud, député UMP de l'Orne. « Je souhaite que la politique de l'Etat retrouve un nouvel élan. Il y a encore beaucoup de gains de productivité à tirer du patrimoine immobilier public », explique-t-il en déroulant sa feuille de route.
4,5 milliards d'euros
L'Etat poursuit son ambitieux programme d'externalisation. Cette politique engagée il y a une dizaine d'années passe par la vente d'actifs : entre 2002 et 2011, ces recettes ont atteint 4,5 milliards d'euros. Par le jeu des cessions et des déménagements, le patrimoine de l'Etat s'est contracté de 525.264 m2 sur la période 2007 à 2011.
D'ici à 2014, 1.870 biens seront mis sur le marché, ce qui devrait faire entrer 2,2 milliards dans les caisses. Le projet de loi de Finances pour 2013 indique que ces ventes devraient générer 500 millions d'euros de recettes, après 590 millions engrangés en 2011.
Aujourd'hui, 75 % du produit de ces cessions sont affectés à l'entretien des bâtiments ; le reste contribue au désendettement public. Cette gestion immobilière n'est pas aisée à mener. Les ministères finissent par jouer le jeu, souvent en traînant des pieds. Certaines administrations ou agences de l'Etat rechignent encore à libérer leurs adresses parisiennes historiques pour partir en banlieue ou dans des quartiers moins centraux. « Régulièrement, le CIE auditionne des opérateurs publics. Certains sont de mauvaise foi et jouent l'immobilisme », regrette Henry Buzy-Cazeaux, ancien chargé de mission auprès de cette structure. Quant à la taille des gouvernements successifs, elle est toujours à géométrie variable. « Le périmètre des ministères devrait être défini et stable. Or ce n'est pas le cas », relève Jean-Louis Dumont.
Comme tout vendeur, l'Etat est tributaire des conditions de marché. La conjoncture n'étant pas des meilleures et les financements bancaires difficiles à obtenir pour les acheteurs, ces derniers ne se bousculent pas pour répondre aux appels d'offres organisés par France Domaine. « Les acquéreurs commencent à être déstabilisés par les volte-face de l'Etat qui l'ont amené à retirer plusieurs fois certains biens de la vente », indique Philippe Méjean, directeur général de DTZ Consulting. « Le récent épisode de l'Hôtel de la Marine a été un bel exemple », poursuit Maurice Gauchot, président de CBRE. De plus, « les candidats acheteurs acceptent de moins en moins les règles du jeu imposées par la personne publique, à savoir une acquisition sans condition suspensive et pas la moindre autorisation administrative pour faciliter les travaux de remise en état toujours importants », ajoute un commercialisateur.
Nouvelle étape
L'Etat doit aborder une nouvelle étape dans son effort de rationalisation. Après avoir trouvé facilement preneur, dans un marché haussier, pour ses plus beaux immeubles, lui reste la tâche la plus difficile : se délester d'un stock important d'actifs moins bien placés ou moins beaux, dans une conjoncture complexe. Certains biens à céder sont souvent vétustes et sans particularités architecturales. C'est le cas, entre autres, de quelques locaux libérés par Pôle Emploi, suite à la fusion entre l'ANPE et les Assedic. Alors que certains terrains publics sont promis à la quasi-gratuité, les immeubles « inutiles » sont à vendre et doivent rapporter. La méthode de cession qui sélectionne le « mieux-disant » vise cet objectif. Au fil des ans, l'Etat s'est professionnalisé et a appris à mieux présenter ses offres toutes affichées sur un site Internet, à établir des diagnostics techniques. Critiqué à ses débuts pour ses expertises par comparaisons, France Domaine a progressivement adopté d'autres méthodes de calcul utilisées par les experts privés, celle du revenu fondée sur les loyers attendus. Toutefois, « les règles d'évaluation varient selon les services régionaux de l'Etat. Sur un dossier, nous avons récemment constaté un écart de 50 % entre deux expertises concernant le coût de résiliation d'un bail », souligne Claude Galpin, président de l'Institut français de l'expertise immobilière (Ifei). « Pour la première fois cette année, l'Etat est devenu membre observateur de l'Ifei. C'est une façon de s'informer sur l'évolution des méthodes d'expertise des professionnels de l'immobilier », signale Claude Galpin. Le chantier le moins avancé concerne la remise en état des bâtiments en patrimoine et la politique de rénovation qui s'en suivra. « L'Etat impécunieux a encore besoin de valoriser son parc. Cela nécessite de prendre beaucoup de décisions importantes », assure Jean-Louis Dumont. Et de suivre une direction indiquée par la tutelle politique...